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Pourquoi coller vos assemblages en rotation

Souvent utilisée et connue des mécaniciens, la technologie d’assemblage des roulements par collage est probablement l’une des méthodes qui a su, au fil des années, s’imposer dans la mécanique générale comme une solution à la fois fiable, durable et permettant d’obtenir des résultats qui dépassent les performances des méthodes traditionnelles seules.
Pourtant, le fonctionnement fondamental de cette technologie, les paramètres qui lui sont propres et ses avantages globaux sont finalement, pas ou peu connu de tous, un peu comme si son adoption était naturelle... sans toutefois maitriser le « pourquoi » elle permet d’apporter l’efficacité.
Cet article a pour vocation d’apporter plus d’éléments de compréhension pour à la fois maîtriser au mieux le déploiement de cette technologie et permettre aux concepteurs de l’intégrer correctement dans leur design et process. Vous constaterez à la fin de la lecture de cet article, que cette technologie réserve aux utilisateurs qui la maîtrisent des propriétés exceptionnelles.

Les méthodes "traditionnelles"

Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous allons faire un petit tour d'horizon des méthodes traditionnelles, puisqu’elles permettront de confronter ensuite la technologie des adhésifs comme alternative.
La transmission de charge d’une fixation cylindrique, d’un arbre, goupille ou axe sur un moyeu (pignon, bras de levier, logement) s’obtient généralement par les 3 moyens traditionnels suivants :


Entraînement par obstacle

Le type d’entraînement le plus communément répandu est la liaison par clavette. D’autres méthodes utilisent des vis pointeau, des goupilles et des arbres cannelés.

Entraînement par obstacle

Ils permettent de transmettre des couples ou charges tangentielles plus ou moins forts selon la surface de serrage. Ainsi on peut classer ces méthodes selon leur capacité à transmettre les efforts :

Vis pointeau << Goupille < Clavette << Arbre cannelé

Un inconvénient de ces assemblages (excepté les cannelures) est la répartition non uniforme des charges ce qui peut provoquer des vibrations à des vitesses de rotation élevées.
De plus, les entraînements par obstacle vont entraîner également une haute concentration des contraintes due à l’effet d’entaille qui se produit sur les arêtes des éléments au contact (clavette, cannelure, dent).
Enfin, ces méthodes ont des coûts de fabrication élevés (usinage complexe, plusieurs éléments dans l’assemblage, arrêts axiaux...)
Enfin, quel que soit la méthode retenue, ces assemblages ne garantissent pas l’absence de micromouvements dans la liaison en raison d'une prise de jeu inhérente à la conception. Ceci engendre des phénomènes d’usure, de la corrosion par contact (fretting) et donc une usure accélérée et des risques de défaillance de l’assemblage (casse, grippage) notamment sous fortes charges et/ou sous charges alternées.

Usure des clavettes

Entraînement par friction

Les assemblages par friction les plus connus sont les assemblages pressés, les assemblages par cônes, et les assemblages frettés.

Entraînement par friction

Ils ont un rapport performance-coût intéressant, permettent un bon équilibre de la liaison cylindrique sous haute vitesse, et une fixation axiale supplémentaire n’est pas nécessaire. Mais ils transmettent les couples uniquement par friction, et donc leur capacité dépend du jeu d’assemblage. Si le jeu de montage est assez important (faible interférence), l’assemblage ne pourra transmettre que des faibles charges, lorsque le montage est fait avec une interférence forte (jeu nul ou négatif) l’assemblage transmet des charges plus élevées mais ceci crée des contraintes importantes dans les pièces assemblées.

Les limites de ce type d’assemblage sont fonction des matériaux utilisés, des rugosités des surfaces et de la conception de l’assemblage et sont liées au fait que les couples sont transmis uniquement par friction. Des variations de tolérance à l’usinage conduisent à des écarts de performance selon les pièces pour la transmission des charges. Il est donc obligatoire d’usiner les pièces avec des tolérances de fabrication serrées, ce qui augmente les coûts de fabrication des éléments.
De plus, le démontage est difficile voire impossible du fait du matage (écrouissage) des surfaces en contact (sauf pour les liaisons par cônes ou les moyeux expansibles).
Ensuite, les hautes contraintes internes dans la structure du métal, du fait du serrage réalisé au montage, peuvent conduire à la casse des pièces soumises aux charges de fonctionnement.
Enfin, ils sont aussi sujets aux micromouvements dans l’assemblage (contact des surfaces non garanti à 100%) qui génèrent usure accélérée et corrosion de contact.

Usure assemblage par cônes

Soudage ou brasage

L’assemblage des pièces métalliques est obtenu par soudage ou brasage. Ceci donne des fixations très résistantes, sans vibration importante, et avec une bonne conductivité.

Cependant, seuls des métaux compatibles peuvent être soudés entre eux (exemple pas de soudure possible entre acier et aluminium). Les pièces peuvent être déformées du fait des températures élevées nécessaires pour le soudage ou brasage, et la chaleur peut générer des contraintes résiduelles et une dégradation locale de la structure du métal (aciers traités thermiquement par exemple).
Le démontage des pièces est très difficile voire totalement impossible et il est nécessaire de prendre en compte le soudage dès la conception des pièces.
Enfin, le coût du soudage ou du brasage est relativement important si on tient compte des opérations process à réaliser, de l’équipement, du coût énergétique et de la main d'œuvre (soudeurs spécialisés).

Entraînement par soudage ou brasage

Le cas de l’assemblage par adhésifs industriels

Dès les années 60, des solutions de fixation par collage ont été commercialisées (notamment par Loctite). La réaction des techniciens confrontés au problème de remplacement des roulements usagés a été très favorable, les produits de fixation permettaient aux acquéreurs de roulement neufs de réutiliser les logements usés, ainsi les utilisateurs de moteurs électriques en retiraient un grand avantage puisqu’ils n’avaient plus à jeter leurs flasques...

Les produits de fixation cylindrique sont des adhésifs anaérobies : ce sont des solutions monocomposant qui polymérisent (passent d’un état liquide à un état solide) à température ambiante, en absence d’oxygène et en contact avec un métal pour former un matériau thermodurcissable. On peut se représenter la polymérisation de la manière suivante : lorsque l’on est plus en contact avec l’oxygène de l’air, des radicaux libres se forment et, sous l’action d’ions métalliques (Cuivre et Fer), ils déclenchent le processus de polymérisation.

Polymérisation

L’effet de capillarité du liquide lui permet de pénétrer jusque dans les interstices les plus fins afin de remplir tout le joint. L’adhésif polymérisé fait alors corps avec les rugosités de surface des pièces. Le process de polymérisation de l’adhésif est également activé par le contact entre l’adhésif et les surfaces métalliques, qui jouent le rôle de catalyseur. Les matériaux passifs (voir tableau ci-dessous), en revanche, n’ont que peu, voire aucun effet catalytique, il faut donc utiliser des activateurs pour obtenir rapidement une polymérisation complète. Dans ce cas, l’activateur est appliqué avant l’adhésif sur l’une des surfaces à coller ou les deux. Il n’y a pas de problème de composants à mélanger ni de durée de vie en pot.

Matériaux Actifs
Polymérisation rapide
Matériaux Actifs
Polymérisation lente
CuivreAciers inoxydables
LaitonRevêtements anodiques
BronzeAluminium (<2% de cuivre)
FerCéramiques
AcierFilms de chromate
Aluminium (> 2% de cuivre)Films d’oxydes
Argent, Or
Etain
Zinc

D’une manière générale, les adhésifs polymérisant par réaction anaérobie se caractérisent par :


Comme nous l’avons vu, les adhésifs liquides vont avoir comme particularité de remplir complètement les jeux dans l’assemblage. Dans les assemblages mécaniques classiques non collés, la surface de contact métal-métal est de 20 à 40% au maximum. L’utilisation d’un adhésif anaérobie permet de remplir les jeux et d’avoir ainsi un contact à 100% entre les surfaces métalliques. C’est cette caractéristique fondamentale qui va permettre de distinguer cette technologie des méthodes d’assemblage traditionnelles. Par ailleurs, l’adhésion des anaérobies aux métaux est excellente tout comme sa cohésion interne.

Cohésion de l'adhésif

Méthodes de collage

On distingue 2 méthodes d’assemblage cylindrique par collage :

Méthodes d’assemblage cylindrique par collage

Avantages des assemblages cylindriques collés

Le collage facilite la conception, la production et l’assemblage des pièces. Par exemple, pour l’assemblage de roulement, il compense dans une certaine mesure les erreurs d’alignement. Les arbres et roulements assemblés sans les contraintes dues aux erreurs d’alignement, ont une durée de vie augmentée et peuvent être réutilisés après une opération de nettoyage simple. Les adhésifs permettent également d’utiliser des pièces plus minces que pour l’assemblage par interférence.

Mais de manière plus générale, les assemblages cylindriques collés :


Résistance d'un assemblage collé
Source du document : Loctite©

Les adhésifs de fixation, en comblant tous les interstices et en polymérisant, empêchent tout mouvement entre les deux pièces, augmentant ainsi la capacité de charge à long terme. La capacité de charge axiale de l’adhésif peut permettre dans certains cas, la suppression des dispositifs de fixation axiale tels que circlips, bagues d’arrêt ou goupilles.

Méthodologie des assemblage collés

Collage avec jeu

Application de l’adhésif sur la totalité de la surface de collage des 2 pièces pour un résultat optimum. Cependant ce n’est pas toujours possible en pratique, dans ce cas il faut appliquer un cordon d’adhésif sur le bord d’entrée de l’une des 2 pièces ou des deux, ce qui donne déjà un résultat fiable. Si la surface de collage est longue, il est recommandé de déposer plusieurs cordons.
Pour éviter des rayures des surfaces lors de l’assemblage par la mise en contact et pour faciliter l’opération, il est conseillé de réaliser un chanfrein d’entrée sur les bords des pièces mâle et femelle.
Si possible, les pièces cylindriques doivent être légèrement tournées l’une sur l’autre lors de l’assemblage pour permettre une meilleure répartition de l’adhésif sur les surfaces.
Il faut ensuite positionner correctement les pièces et maintenir pendant la polymérisation au moins jusqu’au développement de la résistance initiale.

Assemblage pressé-collé

L’adhésif est appliqué en film sur l’une ou les deux surfaces. Afin de permettre une répartition optimale de l’adhésif, il est nécessaire de prévoir des chanfreins sur les bords d’entrée des 2 pièces à assembler, pour éviter de racler ou repousser l’adhésif.
Le montage à la presse est fait ensuite, les pièces alignées, en un mouvement suffisamment rapide pour éviter un début de polymérisation de l’adhésif ce qui peut réduire la résistance de l’assemblage.
Il faut utiliser des adhésifs lents pour fixation de pièces en métaux actifs tels que cuivre ou laiton.

Assemblage fretté-collé

La technique recommandée pour l’assemblage par frettage est de chauffer le moyeu ou la bague pour créer le jeu d’assemblage puis appliquer l’adhésif sur la totalité de la surface à coller de l’axe ou de l’arbre (à température ambiante). Puis aligner l’axe avec la pièce femelle et assembler dans leur position définitive en un seul mouvement. Il conviendra ensuite de laisser refroidir l’assemblage, l’adhésif polymérisant pendant cette opération.
Mise en garde : Il n’est pas conseillé d’utiliser la technique de refroidir (geler) l’axe avec application de l’adhésif sur la bague. Il y a un risque de condensation sur la pièce froide et ceci peut dégrader l’adhérence de l’adhésif et par conséquence les performances finales de l’assemblage.

Détails de conception et calcul de résistance

La rugosité Ra de la surface doit être comprise entre 0.8 et 3.2 microns. En règle générale, il faut éviter les surfaces très lisses, car elles limitent les possibilités « d’accrochage ».

Le calcul de résistance des assemblages collés se fait au travers d’équations complexes et de modèles mathématiques... Loctite© utilise un logiciel spécifique (interne à la société) appelé Retcalc qui permet d’élaborer la résistance prévisionnelle d’un joint cylindrique dans diverses configurations.
Ce logiciel tiendra compte entre autres des forces axiales statiques de rupture, du couple statique, de facteurs de correction, des types de matériaux, du type d’assemblage, des valeurs de jeu / de l’interférence, de la géométrie, des températures de fonctionnement, du vieillissement thermique, de l’environnement de service, des charges dynamiques, etc…

Démontage

L’application de chaleur (à 250°C ou plus fort) sur un adhésif anaérobie permet de diminuer ou d’annuler la résistance de l’adhésif et ainsi de démonter les pièces à l’aide d’outils conventionnels.
Lorsqu’il est nécessaire de démonter régulièrement les assemblages (conception, maintenance), il faut choisir un adhésif de résistance adaptée.
Avant tout remontage, les résidus d’adhésifs doivent être retirés et les surfaces doivent être nettoyées à l’aide d’un solvant adapté.



Article rédigé par Mathieu LAURENT, Expert en solutions adhésives


Toutes les images présentes dans cet article sont la propriété de Loctite (Groupe Henkel) qui nous a gracieusement autorisés à les utiliser ici.
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